L'église romane de Rétaud en Saintonge
L'église de Rétaud,
un
des plus purs joyaux de la Saintonge, souvent visitée,
souvent
étudiée, souvent citée,
Il y a lieu cependant de préciser que l'intérêt qui s'attache à cet édifice se concentre presque uniquement sur son chevet, le reste, à part quelques détails d'une réelle beauté, comme la corniche qui traverse la façade, n'est plus guère qu' honorable et a son équivalent dans de nombreuses églises de la Saintonge. L'église paroissiale de Rétaud, dédiée a Saint Trojan, a été construite vers le milieu du XIIe siècle (Ch. Dangibaud précise de 1140 a 1150) par les soins du chapitre de Saint-Eutrope de Saintes, mais son clocher est du XVe. Il est probable que ce clocher en a remplacé un plus ancien, car, si sa tour octogonale percée sur chaque face d'une longue fenêtre tréflée et ses contreforts sont du XVe siècle, sa souche est incontestablement antérieure.
La
façade, également romane mais des plus simples,
ne
comprend que deux courts étages dont le
supérieur,
peut-être reconstruit, simple mur nu terminé en
pignon,
n'est percé que d'une seule petite ouverture
cintrée. Les corniches très ouvragées ne sont pas rares en Saintonge, mais celle de Rétaud se distingue des autres par la délicatesse de son ornementation et par le nombre vraiment extraordinaire de masques humains (onze) que l'on peut y voir. Ces masques d'une exécution parfaite représentent vraisemblablement des personnages de l'époque et de la région. Parmi ces « portraits » variés il y a lieu de remarquer celui d'une jeune fille d'un délicieux modelé et d'un art excellent. Ces " têtes de Rétaud " jouissent d'ailleurs d'une certaine renommée dans le monde artistique. L'abside est le morceau de choix de cette construction, celui ou les Imagiers ont dépensé l'essentiel de leur talent. Elle est à pans coupés et revêtue d'une décoration " romane-byzantine" extrêmement soignée. Tout dans cette réalisation, qui constitue un bijou de l'art roman, est digne non seulement d'attention mais d'admiration : son plan, son dessin, son exécution. Chaque détail qui vient heureusement contribuer à l'élégante harmonie de l'ensemble est remarquable et mérite un examen minutieux : les fenêtres, les colonnes, les arcades, la corniche, etc.
Certains ont estimé que la décoration de cette abside trop poussée vers le haut, manquait d'équilibre et se mariait mal avec les grandes arcades du premier étage qui en paraissaient étriquées. C'est une conception discutable. Ces arcades n' ont, en effet, rien de grêle, elles forment avec les fenêtres qu'elles encadrent un ensemble qui meuble fort bien et suffisamment l'espace qui leur est affecté. Mais en outre cette disparité, ou plus exactement cette graduation dans l'ornementation, a été très certainement cherchée; elle réalise une conception artistique nettement accusée où l'auteur a voulu faire ressortir une progression, une ascension dans la décoration et développer celle-ci en même temps que se haussait l'édifice. C'est une forme de " l'élan vers les hauteurs ". L’œil du spectateur est guidé vers les sommets pour " faire s'élever les pensées en même temps que montent les regards ". Le
but a-t-il été atteint ? Oui, pleinement, car Il
y a lieu
de remarquer que semblable impression ne se dégage pas de
l'examen de l'abside de RIOUX, église voisine et rivale,
d'un
dessin identique mais plus riche. Là l'ornementation est
dans
son ensemble compliquée et même
chargée, excessive
peut-être et plus uniformément répartie
entre tous
les étages. Cette décoration n'arrête
pas le regard
qui va, vient, quête de côté et d'autre
et s'il lui
arrive de s'élever, ne se fixe pas,
car
tout le sollicite et il n'a pas plutôt
atteint le
sommet qu'il redescend vers les étages inférieurs. A RETAUD le chevet est divisé en sept aires, dont cinq en pans coupés pour l'abside proprement dite. Dans la hauteur trois étages se superposent.
Les sections sont séparées par des groupes de colonnes fort intéressants. Partant du sol où leurs bases s'appuient sur une banquette, elles montent en s'amenuisant jusqu'à la corniche qui supporte le toit après avoir changé quatre fois de diamètre. Cette disposition qui sa rencontre dans d'autres églises de Saintonge est surtout mise en évidence ici. Lisses dans le bas, ces colonnes sont ornées de motifs variés vers le haut. Les aires de l'étage inférieur sont garnies de pierres posées en assises obliques. Le premier étage est occupé par de vastes baies, soit en plein-cintre, soit en arcs légèrement brisés. Cinq de ces arcs encadrent une fenêtre dont les cintres s'appuient sur des colonnes d'angles très détachées. Au-dessus, à l'étage supérieur se développe une longue arcature portée par de fines colonnettes simples ou doubles. Les cintres richement ornés sont surmontés sur le plat du mur d'une abondante décoration finement sculptée. Couronnant le tout une superbe corniche à très beaux modillons s'appuient sur les chapiteaux des colonnes. Les
modifions a sujets variés (lièvres, sangliers,
loups,
femme tirant la langue, feuillages, etc.) sont
supérieurement
traités.
Six fenêtres en plein-cintre, très étroites sur l'extérieur, percent les murs et sont ornées de colonnettes aux angles. Entre
ces fenêtres des armoiries autrefois peintes sur la pierre
ont
été grattées à la
Révolution, mais
quelques couleurs subsistent. L'abside,
voûtée en cul-de-four, est
éclairée par cinq
fenêtrages en pleins-cintres séparées
par de fines
colonnes montant du sol et terminées par des chapiteaux bien
exécutés comme le sont également ceux
des
colonnettes qui cantonnent les fenêtres et ceux de l'arcature
qui
les surmonte. Cette décoration rappelle en beaucoup plus
simple
celle de l'extérieur. L'église de RETAUD a subi des assauts au cours des guerres de Religion. La preuve en est visible sur son clocher qui a été mis en état de défense. Quelques fenêtres partiellement bouchées montrent encore les meurtrières qui ont abrité les combattants.
______________________ Fin du texte de Charles CONNOUË Les églises de la SAINTONGE (livre 1 épuisé) édition: R.DELAVAUD (Saintes) avec leur aimable permission ________________
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de Rétaud
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