L'abbaye romane de TENAILLE (17)

en Saintonge

Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Michel  CARON, de wikipédia, du Ministère de la Culture, et de l'agence vendant l'abbaye

A deux kilomètres au Sud-Ouest de l'église de Saint-Sigismond (prendre à gauche en sortant de l'église, le premier chemin à droite et suivre tout droit) se rencontre, entourée d'un groupe de grands arbres aux belles frondaisons, l'ancienne Abbaye de la Tenaille, où plus exactement ce qui en reste. Elle occupe le côté gauche d'une vaste cour au fond de laquelle s'élève



 le château de la Tenaille, agréable construction du XVIIIe siècle, à longues lignes horizontales, frontons grecs, balustres et guirlandes.
Il n'existe plus qu'une partie de l'église abbatiale et alentour quelques bâtiments moins anciens, dépendant de l'ancienne communauté.
La source, indispensable à toute Abbaye, coule tout auprès, au Nord.
Ce monastère fondé en 1187 par Guillaume de Conchamps, auquel on doit également l'Abbaye de Fondonce, près de Saint-Bris-des-Bois,  était un établissement bénédictin. Un historien du siècle dernier précise que « situé sur le chemin de Saint-Jacqnes-de-Compostelle, il était un lieu de refuge pour les pèlerins, comme Pons, Saint-Vivien de Saintes, etc... Là, non seulement les voyageurs recevaient des aumônes, ou des secours pouvant aller jusqu'à l'octroi d'un âne ou d'un cheval pour continuer leur route, mais ils pouvaient aussi prier, se confesser et faire leur testament... » Aucun arc polylobé ne précise cependant cette destination. Ceux existants ont disparu sans doute, avec les parties détruites. Mais à vrai dire la façade tout entière n'est qu'un assemblage de grands lobes.
L'Abbaye, après des fortunes diverses, fut ruinée en 1682, par les calvinistes. Plusieurs religieux y furent massacrés et les autres mis en fuite. Vendue en 1618, au collège des Jésuites de Saintes, elle fut à la Révolution confisquée et mise en adjudication, le 21 Décembre 1798. Elle appartient depuis à différents propriétaires. (L'ensemble de la propriété est à vendre en janvier 2023 )
Le nom d'Abbaye de la Tenaille, lui vint de ce que les moines affirmaient posséder un des clous ayant servi au martyr du Christ, ainsi que la tenaille qui l'avait arraché de la Sainte Croix. Cette possession était (et est encore) symbolisée par le motif de pierre qui surmonte le faîte de la première coupole, la seule existant au complet. On y distingue une tenaille pinçant un clou dans ses mâchoires. Mais pour admettre cette représentation, il faut savoir que la grosse tête dépassante du clou a disparu depuis une cinquantaine d'années et comprendre que les deux longues branches de la tenaille sont censément noyées dans le pied support. Ces deux instruments de la Passion étaient vénérés dans la région et invoqués par les passants, pèlerins et voyageurs.

La façade, encore debout, mais presqu'entièrement envahie par une exhubérante végétation de lierre et autres plantes grimpantes, était très belle.



 Peu visible aujourd'hui, elle n'en comprend pas moins, un rez-de-chaussée, deux étages et un pignon, le tout fort élégamment décoré.
Trois grandes baies en plein cintre (tous les nombreux arcs de cette façade sont des pleins cintres) occupent le rez-de-chaussée. La centrale, seule percée! a trois voussures; les deux autres aveugles, deux. La baie de droite est sensiblement plus petite que celle de gauche. Les claveaux nus sont complétés par un cordon de pointes de diamant.
Au premier étage s'alignent cinq hautes et larges baies, quatre aveugles à une seule voussure, une, la centrale, percée à deux voussures.
Les deux baies de droite, légèrement moins hautes et moins larges que les deux de gauche, sont aussi à claveaux nus et accompagnées de cordons ornés de pointes de diamant.
Au deuxième étage, moins élevé, se déroule une nouvelle galerie, mais à six cintres, ceux de droite encore légèrement plus étroits que ceux de gauche. D'ailleurs de tous ces arcs il n'y en a pas deux de rayons exactement semblables. Cette disparité, certainement voulue, est curieuse et digne de remarque. Tous les pilastres qui supportent ces nombreux arcs s'accompagnaient jadis de colonnes rondes. Toutes ont disparu. A hauteur des tailloirs des trois galeries, un bandeau sommairement orné traverse la façade.
Au XVIIIe siècle, le pignon probablement campanile, a été remplacé par un fronton dans le style de l'époque.



L'intérieur, qui depuis la Révolution sert de remise et de grange, avait jadis au moins trois travées. Il n'en existe plus que deux. La première est encore couverte d'une superbe coupole sur pendentifs. Commencée en sphérique sur un cordon orné de damiers, elle devient octogonale, puis finalement s'élève en pyramide formant flèche à l'extérieur. Les deux autres coupoles étaient peut-être sphériques. De la deuxième il subsiste les premières assises et de la troisième quelques départs. Toutes reposaient sur des groupes de trois longues colonnes adossées à des pilastres.
Les grandes fenêtres romanes qui percent les murs latéraux ont, elles aussi, perdu leurs colonnettes.

Dans un bâtiment voisin et sauvée par hasard, une belle pierre sculptée porte un grand écusson, chargé de merlettes et de chevrons, qui est celui de l'ancienne famille de Montulé. Le même écusson se retrouve peint, à Moings et à Alias-Champagne.

Recueilli dans une vieille chronique : A l'occasion d'une fête, les moines de la Tenaille avaient, une certaine année, imaginé de détourner les eaux de la fontaine et d'y substituer du vin. De sorte que les habitants de la région crurent longtemps, avec les pèlerins qui propagèrent la légende, qu'à la Tenaille le vin jaillissait du sol pendant 24 heures.

Fin du texte de Charles CONNOUË _______________________________________________________

Les églises de la SAINTONGE  (livre V épuisé)

_________________________________________édition: R.DELAVAUD (Saintes) 

avec leur aimable permission. 

A PROPOS DE L’ABBAYE DE LA TENAILLE (pdf)

__________________________________________ AD Janvier 2023 ____________________________________