L'église de SAINT- ÉMILLON (33)
Texte intégral de Charles CONNOUË SAINT-EMILION (Gironde) Commune du Canton de LIBOURNE (à 7 kms à l'Est de Libourne) L'ancienne église collégiale de Saint-Emilion, inscrite aux Monuments Historiques, est un vaste et bel édifice où voisinent des constructions des XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles. ![]() Elle a perdu son clocher roman qui s'élevait sur la face Ouest et son ancienne abside demi-circulaire, remplacée par une autre à cinq larges pans percés de grandes verrières à plusieurs meneaux. ![]() Son plan est aujourd'hui celui d'un édifice à nef-couloir précédant un chevet élargi. Elle a, de ce fait, deux entrées, la première à l'occident ouvrant sur une sorte de ![]() porche ou de narthex, précédant l'ancienne nef, ![]() la seconde au Nord à l'extrémité d'un croisillon, desservant directement le nouveau chevet. L'une et l'autre sont d'exactes productions de l'école romane saintongeaise. Celle de l'Ouest, fidèle aux canons établis; celle du Nord, plus récente de quelques siècles, ne l'étant plus qu'à la manière de Berson ou de Guitres-Ouest, c'est-à-dire, par ses grandes lignes adaptées au goût régnant au jour de sa construction. ![]() La façade du XIIe siècle, très mutilée, comprenait au rez-de-chaussée un portail flanqué de deux fausses portes et à l'étage une arcature. Il est possible, vu l'importance de l'édifice, qu'elle ait eu même deux étages et deux arcatures. Aujourd'hui il ne subsiste qu'un vaste portail restauré et la baie aveugle de droite, celle de gauche ayant été volontairement supprimée quand il fallut, au XVIe siècle, ménager un passage entre l'église, qui touchait alors les remparts et la muraille. Tout le reste, disparu à la suite de l'écroulement du clocher, ne fut que partiellement et pauvrement rétabli. Aujourd'hui le portail, précédé de quatre marches, ne présente plus qu'un large plein cintre à cinq voussures dont deux seulement sont anciennes et ouvragées. La plus grande est ornée d'une suite de volumineuses feuilles projetant leur sommet en avant et son cordon d'extrados de fines tulipes, exactement les mêmes qu'à Chalais. La voussure suivante, accompagnée de son cordon de palmettes, est recouverte de feuilles retournées en petites volutes. Les trois autres, reconstruites, sont nues. Ce cintre s'appuyait sur huit colonnettes. Il n'en subsiste plus qu'une, mais qui a heureusement conservé son chapiteau formé d'une tète de monstre qui avale la colonne, répétition du Grand'Goule ou « Glouton » si fréquent en Saintorige. La seule fausse porte parvenue jusqu'à nous, permet d'imaginer quelle devait être la richesse de la décoration de cette façade. Ses deux voussures toujours portées par ses quatre colonnes à chapiteaux et son cordon sont entièrement travaillés, mais les sujets ne sont plus discernables. Au-dessus du cordon un bas-relief taillé directement dans la pierre figurerait Adam et Eve. A l'étage, à la place de l'arcature disparue, n'a été rétablie qu'une grande fenêtre à deux voussures très modestement décorées. ![]() La façade Nord, qui occupe l'extrémité de l'ancien croisillon, est d'un style sensiblement différent. Toujours roman, mais d'un roman qui a déjà subi l'emprise du gothique; elle est en même temps plus légère et plus chargée. Construite au XIVe siècle, son dessin est resté d'inspiration saintongeaise. Le rez-de-chaussée comprend encore, entre deux contreforts, un portail et deux fausses portes mais avec des cintres brisés; la porte coupée par un meneau est surmontée d'un tympan: les ébrasements et les baies aveugles sont entièrement garnis de petits arcs pleins cintres ou trilobés portés par des colonnettes, de dais, de socles (démunis de leurs statues), etc. L'étage très réduit et se confondant presque avec le rez-de-chaussée, n'a plus que deux larges et simples baies aveugles à ses extrémités et une niche, avec sa statue, au centre. Il existe une certaine relation, peut-être une filiation, entre cette décoration très poussée et celle, beaucoup plus simple, de la façade de Chepniers (Charente-Maritime). Cette façade romano-gothique de Saint-Emilion est intéressante par l'élégance indéniable de ses lignes et son ornementation. ![]() Photo Jacques Mossot Sur le tympan un Jugement dernier aligne ses personnages et ses scènes : le Christ, la Vierge, saint Jean, des Anges, puis la Résurrection des Morts. Toutes les statues qui occupaient les niches ont disparu, mais subsistent celles des voussures, quelques délicats bas-reliefs (Crucifixion, de saint Pierre: Décollation de saint Paul) et de nombreuses sculptures de feuilles et de végétaux. L'intérieur de l'édifice recèle de nombreux détails intéressants et mérite une visite attentive. Nous nous bornerons à signaler parmi les parties les plus remarquables : L'entrée de la nef où la robustesse surprenante, anormale presque, de la construction ne doit pas passer inaperçue; colonnes, piliers et arcs devaient avoir à supporter un très important clocher roman. Les deux coupoles subsistant sur les trois (ou peut-être quatre) d'origine. Le mur droit de la troisième travée qui montre encore de curieuses peintures des XIIe et XIIIe siècles. Le clocher qui se dresse à quelques dizaines de mètres au Sud du portail roman de l'église, sans relation avec elle, est une construction du XVe siècle, élevée sur un rez-de-chaussée du XIIe siècle. Il se dresse au-dessus de l'église monolithe de la ville basse, avec laquelle il communique par un puits permettant le passage des cordes actionnant les cloches. Cette élégante flèche était une sorte de Lanterne des Morts bâtie au milieu de l'ancien cimetière des moines et des abbés du chapitre qui occupait tout le terrain environnant. ![]() Saint-Emilion, où l'Art est partout étroitement associé à l'Histoire, doit être parcourue avec, en main, le très beau guide illustré, édité par le Syndicat d'Initiative de cette ancienne et très singulière petite ville, étonnamment pittoresque, tout à la fois « cité sanctuaire, cité religieuse, cité guerrière » et, fleuron s'ajoutant à tous les autres, capitale d'une des régions vinicoles les plus renommées de France. Saint-Emilion surprend et captive. Tout y sollicite l'attention et la tient en éveil. La curiosité, sans cesse alertée, y reçoit partout d'attrayantes satisfactions. A chaque pas, devant chaque maison ou pan de mur, se lèvent des images d'un passé fertile en événements de toutes sortes; agréables ici, plaisants là, ailleurs et le plus souvent tragiques, mais toujours attachants et riches d'enseignements. Ce bourg prestigieux est à classer en tête des hauts lieux touristiques du Bordelais et des Charentes. Un promeneur circulant sans hâte, comme il se doit, à travers le lacis difficile de ses extraordinaires et rudes petites rues, parmi ses édifices et ses ruines, ses escaliers et ses caves, rapportera — entre autres — de sa visite une gerbe de souvenirs et d'impressions particulièrement durables. Il rentrera charmé et... reviendra. ![]() Porte Brunet ![]() Le cloître ![]() Palais cardinal ____________________Fin du texte de Charles CONNOUË Les églises de SAINTONGE (livre V épuisé) édition: R.DELAVAUD (Saintes) ______avec leur aimable permission_________________________ AD Nov.2023
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