L'église  romane de

PONT-L' ABBÉ d' ARNOULT (17)

Texte intégral de Charles CONNOUË 
Photos:  Alain Deliquet


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PONT-L'ABBÉ-D'ARNOULT

Commune du Canton de SATNT-PORCHATRE

Commune du Canton de Saint-Porchaire (à 9 kilomètres à l'Ouest de Saint-Porchaire et à 20 kilomètres de Saintes)

Par Charles CONNOUË

Croquis de Charles Connouë

Il y a huit cents ans, le bourg de Pont-l'Abbé était lui aussi au bord de la mer. 

Par la vallée de l'Arnoult l'océan pénétrait jusqu'au delà de Saint-Sulpice, non comme un fleuve ou une rivière aux eaux refoulées, mais par un large 

estuaire dont les rives étaient continuellement fouillées par les vagues. 

L'attestent dans les vallées environnantes des ro­chers dénudés et rongés qui sont d'anciennes falaises

.
C'est à quelques centaines de mètres du village que se montre encore la « chambre de la reine », sorte de grotte d'accès difficile qui dominait autrefois la mer et où, d'après la légende, se serait réfugiée au VIe siècle la future Sainte Radégonde fuyant Clotaire, son royal époux, 

« homme cruel et luxurieux », avant de fonder un Couvent à Poitiers et de donner son nom à une commune voisine.

A l'époque d'Aliénor d'Aquitaine, cette région, que la proximité de la mer rendait fort prospère, était très peuplée. Elle dépendait de l'Abbaye-aux-Dames de Saintes. C'est cette riche communauté qui fit, au XIIe siècle, élever l'importante et très belle église ac­tuelle.

Dans les 25 premières années du siècle indique G. Musset, de 1140 à 1170 précise Ch. Dangibaud et par les mêmes ouvriers ajoute-t-il qui

ont travaillé à Rioux, Rétaud et Talmont. Ces ouvriers composaient peut-être l'« atelier » de l'Abbaye, noyau de l'école romane saintongeaise. 

(Depuis la théorie des écoles régionales a été abandonnée)

Mais à Pont-l'Abbé, comme presque partout, le monument édifié succédait à une ou à des constructions antérieures. 
Malheureusement, il n'existe sur celles-ci aucune préci­sion.

Enlard dit simplement dans un de ses ouvrages : « qu'on peut constater dans cet édifice des remplois de murs carolingiens ».
D'autres estiment que certains des murs de base sont romains. Tant d'incertitude n'est corrigée que par un fait mais qui a son importance.


L'église ou plus exactement le choeur est construit sur un souterrain-refuge. 
On sait la haute antiquité de ces excavations qui semblent remonter è l'époque celtique. 

Dans ce souterrain existait un puits avec couloirs d'accès latéraux, puits qui tout naturellement fait songer aux premiers chrétiens, à leurs réunions clandestines et à leurs baptêmes cachés... Dès lors 'emplacement sur lequel est construit cette église apparaît comme un lieu sanc­tifié, dès le début de l'ere chrétienne, par d'anciens sacrifices ou de pieuses sépultures. 

Un autel dut s'y élever aussitôt que la religion put s'exercer au grand jour. Détruit  plu­sieurs fois peut-être, puis relevé, il s'est perpétué d'abord jusqu'au XIIe siècle puis, re­bâti à cette époque, jusqu'à nous.

La construction de l'abbesse de Saintes ne nous est pas parvenue cependant dans son état d'origine.
Comme toutes les églises de la région elle eut à subir bien des mo­difications et bien des restaurations.

Son chevet a été modifié au XIIIe siècle , son an­cien clocher qui s'élevait sur le carré du transept a disparu à une époque indéterminée.

La plupart des voûtes ont été refaites cent à deux cents ans plus tard. 

Le clocher actuel, bâti au début du XVe siècle, serait d'après la croyance populaire, l'œuvre des Anglais. 

Enfin le mur Sud de la nef, abattu par les calvinistes en 1568, a été reconstruit, de sorte que ne subsistent de l'édifice roman primitif que le mur Nord de la nef et le bas de la façade.

Celle-ci se terminait autrefois par un pignon aigu. Elle a été amputée de sa pointe et sur cet arasement a été greffé un clocher qui, derrière la façade, recouvre la première travée de la nef. 
Sur une base carrée et un premier étage, dont chaque face est percée de 2 longues fenêtres sans ornement, se dresse une pyramide de pierre à 4 pans, aux arêtes garnies de crochets. Une balustrade ceinture la plate-forme dont les angles sont chargés de clochetons.

Ce clocher anguleux et lourd d'aspect, a bien dans sa silhouette quelque chose d'anglais, 


(Photo internet)

mais n'ajoute rien à l'élégance d'une façade qui passe avec raison pour être l'une des plus belles de la Saintonge. 

C'est principalement, en effet, par sa façade que l'église de Pont-l'Abbé s'est acquise la solide réputation dont elle jouit dans les milieux artistiques et archéologiques. 

Sa disposition particulière, la richesse et la délicatesse de sa décoration en font une magnifique page de sculpture romane.

Grossomodo elle s'inscrit dans un triangle. Deux corniches la divisent en 3 éta­ges et 4 très belles colonnes diminuant de diamètres en s'élevant jusqu'au pignon la séparent en trois aires principales.

Le rez-de-chaussée, dressé sur un soubassement précédé de trois marches, est particulièrement remarquable. 


Un superbe portail en plein-cintre occupe l'aire centrale. Ses 5 voussures en sérieuse saillie les unes sur les autres reposent sur des pieds-droits très ébrasés ornés de colonnes à riches chapiteaux. 

Ceux des grosses colonnes de séparation les réunissent aux chapiteaux des fausses portes et forment ainsi un bandeau interrompu seule­ment à la hauteur des tympans. Car Pont-l'Abbé est orné de tympans
et même de tympans historiés, disposition rare en Saintonge. 

Les deux portes latérales, chacune à trois voussures légèrement brisées présentent en plus de leur riche décoration des exemples d'appareil­lages en zig-zag.

Sur les archivoltes, sur les chapiteaux, sur les tympans, les " imagiers " romans ont donné libre cours à leur imagination et ont fourni de constantes preuves d'un savoir faire hors de pair.


Les sculptures sont d'une telle délicatesse, que beaucoup de motifs sont pres­que complètement détachés. Mais la pierre friable a souffert des intempéries ou du voisina­ge de la mer et si la façade dans son ensemble est bien conservée, de nombreux motifs sont détériorés ou restaurés

 Néanmoins, la plupart des grandes compositions sont encore dis­cernables et l'on peut citer :

des anges entourant l'agneau pascal ; Saint Georges combat­tant le dragon ;

des Vertus terrassant des Vices ; puis huit statues de Saints et de Saintes 

et enfin une présentation de la fameuse scène des Vierges sages et des Vierges folles, 

qui a illustré tant d'autres façades célèbres en Saintonge.




Celui de gauche, historié aussi, n'est plus compréhensible.


Les colonnes sont elles-mêmes revêtues d'une fine ornementation délicate et variée. Certains motifs à palmettes qui sont particuliers à Pont-l'Abbé, semblent une réminis­cence gallo-romaine


Tout le chevet est orné à son faite d'une ligne de modillons.

L'intérieur de l'église, d'une moindre qualité, étonne cependant par ses vastes di­mensions et la hauteur de ses voûtes.

Elles paraîtraient disproportionnées avec le bourg si l'on ne se rappelait l'importance de celui-ci au Moyen Age.

La nef est précédée d'un petit porche rétréci par les énormes piliers de maçonnerie qui portent le clocher. 
Ce porche est recouvert à grande hauteur, au-dessus d'une fenêtre en plein-cintre, d'une voûte sur croisée d'ogives dont les huit courtes branches se réunissent autour d'un trou à cloche.

Au delà du porche, quatre travées larges et spacieuses voûtées en berceau, sont sé­parées à gauche par des groupes de trois fortes demi-colonnes adossées à des pilastres peu saillants. 

Les colonnes sont terminées par de beaux chapiteaux bien travaillés et les pilastres par des impostes qui portent les retombées de deux arcs latéraux disposés l'un au-dessus de l'autre. Entre eux s'ouvre une fenêtre en plein-cintre ébrasée.

Le côté droit n'a pas la même disposition. Abattu au cours des guerres de religion, puis reconstruit dans un style différent, il est simplement percé d'une seule fenêtre gothi­que à un meneau.

Le transept a son carré voûté en ogive. Un arc brisé très élevé fait commu­niquer ce carré avec le croisillon gauche qui est aussi recouvert do cintres ogivaux. A l'Est une absidiole, avec clé de voûte à écusson, complète cette partie de l'édifice éclairé par trois hautes fenêtres avec chapiteaux à crochets ou à crosses.

L'abside rectangulaire, est comme le choeur couverte, toujours à grande hauteur, d'une voûte refaite au XIV* siècle. Des fenêtres à fines colonnettes et chapiteaux lisses éclairent le choeur, deux fenêtres semblables percent les murs latéraux de l'abside, tandis que der­rière l'autel s'ouvrent des fenêtres jumelées d'un même dessin.

Aux murs, trois tableaux méritent de retenir l'attention. L'un représente Saint Do­minique recevant le rosaire, un autre Saint Pierre pénitent (l'église est sous le vocable de Saint Pierre) et le troisième, la mort de Saint Joseph.

Le bénitier, près de la porte d'entrée, porte la date de 1633. La cloche fondue en 1607 a été classée au Mobilier Historique, le 25 Juillet 1908 et l'église, de son côté a été classée, le 12 Décembre 1887.

A quelques mètres de l'angle Nord de la façade, se dresse une vieille tour du XIIIe siècle, vestige des anciennes fortifications dans lesquelles était incluse l'église qu'un che­min de ronde réunissait à la tour. Ses murs et notamment ceux qui couronnent l'abside
étaient percés d'ouvertures desservies par le même chemin de ronde, le tout couronné d'un chaperon.
Près de Pont-l'Abbé existait, il y a un siècle à peine, une église au village voisin de La Chaume et une autre à Saint-Michel. Toutes les deux ont complètement disparu.


__Fin du texte de Charles CONNOUË________________________________________

Les églises de la SAINTONGE  (livre 1 épuisé)

édition: R.DELAVAUD (Saintes) 

avec leur aimable permission ______________________________



PONT-L'ABBE d'ARNOULT


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