L'église
romane de Givrezac et ses modillons remarquables.
Commune du Canton de SAINT-GENIS (à 11 kms au Nord-Ouest de Saint-Genis et à 22 kms au Nord-Ouest de Jonzac) ![]() Cette petite église d'apparence très archaïque est placée sous le patronage de saint Biaise. Régulièrement orientée, elle borde la route par son abside. Sa façade basse et étroite, peu dégagée, est complètement dépourvue de décoration. Au rez-de-chaussée s'ouvre un petit portail qui semble remonter à une haute antiquité et être antérieur au XII e siècle. Deux voussures nues en plein cintre reposent l'une sur de courts piliers peu saillants, l'autre sur deux petites colonnes occupant l'angle rentrant des piliers. Sur la toiture et vers son milieu s'élève un pignon campanile à deux baies. Les murs de la nef, revêtus de crépi, sont percés d'étroites, fenêtres romanes dont les cintres ornementés sont taillés dans une seule pierre. L'intérêt de cette église, classée Monument Historique le 12 Décembre 1910, se concentre à peu près uniquement sur l'extérieur de son abside demi-circulaire. Elle a conservé ses petits cintres de fenêtres monolithes tous ornés et ses aires, coupées en leur milieu par un large bandeau de damiers, sont séparées par des colonnes formant contrefort, toutes terminées par des chapiteaux bien sculptés. Un entablement bordé d'un rang de larges disques accolés s'appuie sur ces colonnes et abrite une belle suite de gros modillons très variés : musiciens, acrobates, oiseaux, poissons, têtes d'animaux et... un très spécial qu'un imagier jovial et particulièrement gaillard, a cru devoir exposer en bonne place, estimant — à tort — qu'un geste pudique de son personnage, dissimulera suffisamment ce qui, en effet, devrait l'être... (voir mon interprétation plus loin) La décoration de l'abside de Givrezac se suffit à elle-même et n'a nul besoin d'être renforcée par une collection d'affiches multicolores et diverses qui garnirait mieux d'autres murs que ceux d'une église, et, qui plus est, d'une église classée... La nef rectangulaire à murs nus, est couverte d'un tillis et un « banc des pauvres » occupe la base des murs. Une seule colonne romane avec un chapiteau d'entrelacs se dresse à droite. (Ce ne sont pas des entrelacs mais des "V" (signe du bélier) empilés) Un mur épais, percé d'une ouverture basse en tiers point la clôt à l'orient. L'abside, couverte également d'un tillis, prend jour par cinq fenêtres. Elle est comme le reste sans ornements. La cloche est inscrite au Mobilier Historique. ____________________Fin du texte de Charles CONNOUË Les
églises de SAINTONGE édition: R.DELAVAUD (Saintes) avec leur aimable permission._______________________________
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![]() les modillons et les chapiteaux extérieurs de GIVREZAC": Un volatile
(aigle ou chouette ?), une pyramide de cordes (couple) et feuilles (vie) formant
un
quadruple "V" signe du bélier (que des symboles de vie), une
colombe donnant la becquée
(maternité à vocation probablement spirituelle), un homme
tenant
un bât (je propose d'y voir le complément de la
maternité: le travail de l'homme pour subvenir aux besoins
familiaux, ou plus fouillé le bât symbole de la domestication de l'animal ?)
L'objet dans ses mains semble symétrique en deux parties, j'y ai vu un bât. (?) Une série de modillons dont certains semblent refaits.
Le chapiteau montre un carnassier dévorant une âme. C'est la mort spirituelle de celui qui est dominé par l'animalité (les léonins) que j'ai appelé la force virile. Remarquez la frise avec les cercles montrant une croix. Probablement des hosties. ![]() ![]() Les têtes de chevaux de Saint Quantin de Rancanne et de Saint-fort sur Gironde ont certes un air de famille, qui tient de la forme des claveaux mais le modillon de Givrezac tient aussi de la chouette et me parait bien neuf. Une femme, les mains sur son ventre, modillon probablement d'origine. La mission de la femme est d'enfanter, ce qu'elle montre. Le modillon suivant a été probablement refait (les angles sont tranchants) et il est difficilement identifiable pour moi. Certains y voient une tête de cheval (ce serait alors l'animalité domestiquée) Remarquez au-dessus la frise constituée de représentations d'hosties, que l'on retrouvera plus loin. L'hostie à l'époque est un symbole de vie éternelle. Un personnage en train de déféquer ! Symbole fort de la passivité. Attitude dénuée de spiritualité ! Au dessus la frise à double pointes, demande un choix entre deux orientations. ![]() Puis, deux volatiles attaquant un homme, qui semble protéger son écuelle . (Est-ce son trésor spirituel totalement vide, représenté ailleurs par une bourse? ou bien le refus de recevoir une nourriture spirituelle?) Puis vient le modillon qui soit représente la récompense pour travaux terminés: le tonneau pour faire la fête. soit un autre vice, l'ivrognerie ? Certains y ont vu un instrument de musique, dans ce cas l'homme refusant le spirituel tiendrait un tambourin. ![]() ![]() Remarquez le casque à cornes ?(Je n'ai jamais vu cela auparavant) Le personnage lèche l'objet qu'il tient,ou montre qu'il boit et apprécie, raison pour laquelle j'opte pour le tonneau qui par ailleurs est un modillon très commun. Peut-être est-ce une
trilogie :
Passivité, refus de la spiritualité et ivrognerie. (Remarque: ces trois modillons sont de facture récente) Puis un chapiteau cubiste avant l'heure !!! SUPERBE !!! Un des plus beaux exemples de l'inventivité des sculpteurs ![]() ![]() Du Picasso avant l'heure !! A gauche la tête et les jambes, l'essentiel pour représenter la marche vers le ciel. D'ailleurs il est représenté en acrobate. Remarquez l'oméga, l'allusion à la sirène (symbole de beauté spirituelle), et surtout l'écoute de la spiritualité (la volute) A droite les bras, (symbole des actions), une main sur la jambe, mais l'autre qui se transforme en monstre enveloppant la tête (l'âme). Le sculpteur montre la division de l'être entre l'intention d'aller au ciel et les actes sous l'emprise du démon. (C'est un chef d'oeuvre sublime à mon goût.) Puis trois modillons qui sont anciens: Un homme montrant son sexe orienté vers le ciel, ses jambes et bras sont endommagés, une tête animale de facture semblable à celle déjà vue précédemment, et une femme acrobate montrant également son sexe et son anus. A première vue c'est la luxure, le péché pour l'époque s'oppose à la sainteté, l'objectif généralement admis. Mais je pense que le sculpteur montre plutôt un homme et une femme qui ont dominé leurs sexualité et leur animalité. C'est probable pour le modillon masculin endommagé, c'est certain pour le modillon féminin. Au centre on retrouve probablement l'original de la tête du cheval-chouette, symbole de domestication (des instincts animaux). L'homme oriente son sexe vers le ciel, et la femme aussi. La femme avec ses mains sur son postérieur montre qu'elle en a la maîtrise. Le modillon masculin est incomplet, dommage, mais il est évident que cette femme est bien une acrobate et qu'elle marche vers le ciel. En fait le contraire de la première impression !! ![]() Remarquez que pour une fois c'est la femme qui est en acrobate. Remarquez qu'elle tire la langue, en signe de victoire. Puis un chapiteau unique en Saintonge donc difficile à interpréter! Représente t'il des cercueils qui ont cette forme à l'époque? avec dans les angles, soit des volutes soit des pseudo fleur de lys. Si ce sont pas des cercueils mais des feuillages, le sens indique un mauvais choix car ils sont orientés vers le sol. Si ce sont des berceaux, ce serait l'aboutissement naturel de la sexualité. La frise au dessus pourrait nous orienter, mais le motif est également unique en son genre à ma connaissance. Il pourrait évoquer l'union, mais je manque de recul. Remarquez le motif différent de la frise supérieure, mettant un accent particulier sur le chapiteau, et la frise inférieure en escalier qui ceinture l'édifice, pour indiquer la progression à faire.... Les trois modillons suivants sont dans la vie spirituelle: ![]() De nouveau des représentations d'hosties dans la frise, mais sont-elles à leur place d'origine? Toujours est-il que le couillu s'en est saisi d'une ou bien s'en inspire. D'une main tel un atlante il supporte l'édifice (l'église au propre et au figuré) de l'autre main (ses actions) il montre qu'il est en accord avec l'hostie qui représente à l'époque la voix pour aller au ciel. Il ne cache pas sa sexualité comme le dit Charles CONNOUË mais je dirai plutôt qu'il veut la dominer, par la spiritualité que symbolise l'hostie, et qui serait le remède. ![]() Ensuite viennent deux poissons, c'est à dire un couple de chrétiens Probablement l'homme et la femme qui précédemment montraient leurs culs et qui ont assimilé la spiritualité, tout un programme pour les fidèles .... Puis un modillon, mélange de motifs aux multiples de trois (spirituel) encadrant un quatre (terrestre). Le terrestre (la sexualité) associée à la spiritualité ou au divin (trois). En quelque sorte l'antithèse de la partie du chapiteau où une âme était enfermée dans un bras vicieux, puisqu'ici le "quatre" est enfermé dans des "trois". ![]() Voilà ce que les modillons de GIVREZAC auraient pu suggérer à l'époque... Voir une liste de mots pour approfondir les symboles représentés: corde, volatile ou oiseau, cercle, mains, maîtrise, léonin, âme, passivité, acrobate, volute, lys, poisson, quatre, trois. (1) Je ne me suis jamais attelé à décrypter les modillons, car ceux-ci sont souvent d'origine incertaine, les toitures ayant été refaites postérieurement, suite à des effondrements, incendies ou guerres. Givrezac m'a paru présenter un ensemble presque cohérent. A.D. 2020
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