L'église romane de 

BOUHET (17) en AUNIS


Photos (2018) de Bernadette PLAS et Alain DELIQUET


Les photos sur ce site peuvent être utilisées exclusivement à des fins non commerciales après autorisation et sous réserve de mentionner la source:

BOUHET est une commune rurale arrosée par le Curé, petit fleuve côtier qui naît dans la commune de Saint-Georges-du-Bois et qui se jette dans l'océan Atlantique après avoir parcouru la plaine calcaire de l'Aunis et la partie méridionale du Marais poitevin dans un cours de 45 km.

Commune rurale de 876 habitants (2017), BOUHET est située au Nord du département de la Charente-Maritime, au centre d’un triangle formé par les agglomérations de La Rochelle, Rochefort et Niort.
Le village a été créé en l'an 1077 suite à la donation par le comte de Poitiers à l'abbaye de Montierneuf d'un marais abandonné dépourvu d'habitants.
L’église Saint-Laurent de BOUHET était le prieuré clunisien dépendant de l’abbaye Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers.
L’église romane du XIIe siècle fut terriblement mutilée au cours des guerres de religion. Elle ne com-prend pratiquement plus aujourd’hui que le choeur et l'absidiole sud qui est transformé en sacristie.
Au nord, l’arcade d’entrée de 1’absidiole disparue existe et des fouilles ont mis au jour les substruc-tions du bras de transept et du collatéral attenants.


L'église romane St-Laurent de BOUHET en Aunis.
Le croisillon sud possédait une vraie façade tripartite. Il n'en subsiste plus qu’un fragment.


Le choeur comprend une travée droite suivie d’une abside à cinq baies couverte d’un cul de four


Les fenêtres du côté sud sont plus ornées que les autres. Les archivoltes présentent des motifs géomé-triques variés. Les chapiteaux montrent entrelacs, palmettes, oiseaux affrontés et sirènes.


A l'intérieur, on remarque sur d'autres chapiteaux des personnages enroulés par des démons ou des griffons se retournant pour se mordre les pattes, témoins de la verve narrative des imagiers ro-mans.
Malgré ses mutilations, l’abside romane de BOU-HET est la plus belle de l’Aunis. Elle date de la seconde moitié du XIIe siècle.
Source: Le panneau CI-DESSOUS devant l’église.

Pour tout savoir sur l'histoire de Bouhet, rendez-vous sur le site de Madame Elodie Bonnet "Mille ans à Bouhet"
http://milleansabouhet.pagesperso-orange.fr/index.htm
https://sd-6.archive-host.com/membres/up/7ebd26aae5f53f105cec000dcfc5586fec9f9171/f-prieure.pdf
Pour la symbolique des XIe et XIIe siècles repor-tez-vous sur le site de l’auteur:
http://chapiteaux.free.fr/symboles.htm

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"Faisons parler les chapiteaux de BOUHET".

Les chapiteaux du choeur qui forment une série
un enseignement pour les moines:



Le sculpteur annonce le sujet:


Dans le tailloir, des étoiles car le but est d’aller au ciel. C’est à l’époque l’unique préoccupation de tous.
Notre époque se focalise sur la santé du corps mais aux XIe et XIIe c’était la santé de l’âme. Les clercs qui soignent les corps et les âmes doivent montrer une âme chaste pour exercer leur ministère...
La pomme de pin symbolise la fécondité et la fertilité.
Le sculpteur les oriente vers le sol volontairement, il s’agit d'oublier cette option...
Elles sont en couple, liées par des tiges nouées.
Elles sont enfermées dans un maillage.
Ce chapiteau illustre le sacrifice demandé aux prêtres, moines et aux clercs: sublimer leurs forces vitales.


L’Église de l’époque a un énorme souci avec le mariage des clercs et la chasteté...
Les feuilles lancéolées sont un symbole phalli-que, dirigées vers le ciel, elles signifient qu’il faut réorienter vers le haut cette force virile.
Le sculpteur renforce l’idée précédente en in-tercalant des feuilles plus hautes se terminant en volutes, signe de recherche de spiritualité.

Les volutes sont en couple, comme les pommes de pin.
Mets en cage ta sexualité et consacre toi au spirituel.


Splendide: ce chapiteau unique en son genre, tout en haut sous la frise en dents de scie.
Une tête, entourée d'un animal acrobate à gauche et d'un personnage encore animal brandissant une sorte de bâton fleur de lysé,
comme pour s'exorciser.
La tête _ l'âme des deux etres_ est posée sur l'astragale.



À gauche les jambes du personnage dont l’une est dans la gueule d’un monstre.

C’est l’âme divisée, en plein combat spirituel !

Une âme présentée en plusieurs parties et en désordre volontaire. Du Picasso! C'est aussi l’habitude des sculpteurs, laquelle consiste à présenter séparément les différents courants qui animent l’esprit d’un personnage.
Le côté pêcheur, à gauche, très animal qui voudrait bien comme les acrobates « marcher vers le ciel » mais son vice n’est pas d’accord et entrave cette marche. (Le pied dans la gueule du vice).
Remarquez la peau écailleuse du corps et de la queue de cette âme très animale.
À droite, son côté plus spirituel frappe avec un gourdin ce côté animal; un pied dominateur sur l’âme.
La fleur de lys à l’extrémité du gourdin, orientée vers le ciel, est probablement le symbole de la pureté et chasteté ( attribut de Marie qui apparaîtra bien plus tard). Son vice est celui que l’Église essaie d’éradiquer chez les ecclésiastiques qui ont des problèmes à rester purs et chastes pour exercer leur ministère.
C’est l’obsession de l’Église à l’époque! Chaque concile condamne le Nicolaïsme.




Le premier chapiteau sur colonnette, dans l’espa-ce réservé aux clercs un léonin, symbole de la for-ce virile ou partie animale de l’âme. La peau de-vient plus lisse et plusieurs indices montrent sa volonté de perfection.



Il tient dans sa gueule le symbole de l’unité: une boule.
Les pattes voudraient bien marcher vers le ciel.
Une autre se cramponne à l'astragale _ l'Église _

Le sculpteur montre t-il qu’à travers le vice précédent dans l’âme d’un clerc, la communauté serait menacée?



Le sculpteur insiste

L’âme (du clerc précédent) est ici absente, elle s’est fait dévorer par sa force virile, une tête de léonin, carnassier dévoreur d’âmes par excellence.





À gauche, le personnage tient affectueusement une forme difficilement identifiable qui attaque la gueule du carnassier qui est en train de dévorer l'âme.
Une fleur de lys, orientée vers le ciel, semble sortir de la pierre et enlace cette forme. Ce pourrait être le gourdin fleurdelisé précédent, qui viendrait en renfort, encourageant la chasteté.(?)
Le personnage porte une ceinture de force, se croyait-il assez fort ?
C’est probablement ce que le sculpteur voulait indiquer. Ne voulait-il pas marcher vers le ciel, empêtré dans son vice qui l’affaiblit spirituellement?
Sa peau est annelée, comme celle des bêtes qui dévorent un corps sur un chapiteau à l’extérieur.
Il croyait aller au ciel, mais son vice (le carnassier dévoreur) a pris po-session de lui !

Sois fort spirituellement, ne perds pas ton âme !

L’interprétation des chapiteaux floraux n’est pas aisée. Ils ont un sens profond mais le sculpteur ne se prive pas de les personnaliser, sinon ils se ressembleraient tous!



Les monstres dévoreurs d'âme _le vice _  qui engloutissait l’âme du personnage précédent, se nourrit à présent de tiges issues d’une composition de feuilles lancéolées qui se terminent en volutes. C’est un signe de spiritualisation.

Le sculpteur reprendrait ici le thème précédent dit par des feuilles !


Nous retrouvons le côté pêcheur de l’âme personnifiée en animal.
Il y a eu un progrès spirituel car des ailes se sont greffées aux pattes, ainsi cet aspect de l’âme s’allège et les ailes sont un atout pour aller au ciel.
Cependant ce ne sera pas suffisant, l’animalité mord cette patte ailée!
Le sculpteur montre que la marche vers le ciel est compromise, car handicapée par ce vice toujours et encore non maîtrisé.
Mais la volonté intérieure matérialisée par l’orientation de la queue va dans le bon sens!
Le bout de la queue est ce qui est profondément enfoui dans l’esprit, ici sa forme est difficile à interpréter.



La boucle est bouclée, c'est la synthèse ?
Les pommes de pin symbolisent la fertilité et la reproduction. Elles sont orientées vers la terre ce qui n’est pas la bonne orientation.
L’entrelacs, symbole qui n’a ni début ni fin, représente l’éternité, celle de la vie éternelle auprès de Dieu: l’autre vie, réservée aux clercs qui auront renoncé au mariage et à toute forme d’appel de la chair.
Le sculpteur replace ici le chapiteau initial de la série. Nous sommes dans le terrestre avec les tiges à quatre nervures.

La vie éternelle t’attend
si tu renonces au péché de chair



Des feuilles grasses orientées vers le ciel, symboles de renouveau, de nouvelle vie.

Vient ensuite un chapiteau placé plus haut au niveau de la frise en dents de scie..



Tout en-haut en continuation de la frise du choeur, ce chapi-teau qui est une piqure de rappel pour le clerc:
La peau du léonin n’est plus lisse.
Le tailloir le met en garde en indiquant que le risque est grand de ne pas aller au ciel (dents de scie).
C’est un appel à la vigilance: ne te laisse pas entraîner sinon le Malin reprendra l’ascendant et ton vice fera de toi un être di-visé! (Le chapiteau « Picasso »)

Et ne laisse pas ton vice
anéantir l’unité de ton âme!


Les derniers chapiteaux du choeur:
Le tailloir plein d’étoiles indique que l’action vise le ciel.

Tu as le choix:
le ciel ou rester dans le péché!

Suis les saintes écritures et la règle pour aller au ciel rejoindre les anges
( l’âme devenue ange louant Dieu au ciel) ou bien
reste dans ton vice ( l’âme reste animale dans les feuilles lancéolées, morte spirituellement)

Aux XIe et XIIe et jusqu’à l’apparition des tympans évoquant le jugement dernier, les sculpteurs ne représentent pas l’enfer avec les flammes, ni les croix, ni la Vierge. Le purgatoire n’est pas encore inventé et le sculpteur ne présente qu’une démarche positive pour élever l’âme. Aucune souffrance n’est représentée, surtout pas celles du Christ! Il faut attirer et non repousser, et la priorité est de moraliser la vie quotidienne, ici, en particulier, dans le choeur à Bouhet, moraliser les clercs qui officient.

Quelques chapiteaux extérieurs
donc visibles de tous.




Un personnage qui ne semble pas être un clerc, il montre qu’il contrôle sa marche vers le ciel:
Une main sur un genou et l’autre sur le mollet. Un pied sur l’astragale symbolisant l’Église et l’autre pointant vers le ciel.
Il ne marche pas, il court vers le ciel! Les feuilles lancéolées nouées puis orientées vers le ciel, indiquent ce qu’il maîtrise.
 Ces feuilles sortent de son pied d’un côté et de l’astragale de l’autre.

C’est l’opposé du chapiteau qui lui fait face. La maîtrise des sens. Entre les deux, il faut choisir!
Les animaux en couple dont on distingue les oreilles pointues, représentent l’animalité renforcée.

Les deux queues enroulées sur elles-mêmes et ficelant les deux indiquent que cette âme est liée et entravée.

Une seule tête, ce n’est pas seulement pour l’esthétique.
C’est voulu, le plaisir des sens, le vice !

Est-ce pour le couple dans la luxure, le vice partagé ?
La voussure avec des cercles, lesquels comme les boules, sont le symbole de l’unité et de la perfections. Trois rangs renforce encore l'idée.


 La sexualité (feuille lancéolée pleine de "V") doit être dominée par la spiritualité, pour échapper au shéol et gagner l’éternité (l'entrelacs en face) : la vie éternelle.

Je parle de shéol car pour moi il est représenté entre les deux fenêtres par
l'absence de chapiteaux qui symbolise le néant.
Pour compenser, la fenêtre suivante montre deux voussures avec des chapiteaux historiés, preuve que l'absence de chapiteaux serait bien volontaire..
 Un couple d’animaux pour le vice partagé. Le chapiteau est assez endommagé.

 Ensuite un chapiteau exceptionnel et rare: non dans sa composition qui est courante, mais par la représentation de vers annelés, (les sculpteurs savent parfaitement représenter la peau des serpents, c’est donc volontaire!) Les vers vivent sous terre et dévorent les corps.

Puis un chapiteau  représentant un des  motif de la frise intérieure, mais sans les noeuds à la base des feuilles lancéolées. Sans noeuds, les feuilles lancéolées sont libérées et c’est le symbole de la vie charnelle qui reprend ses droits.

 Le quatrième chapiteau a disparu ou est caché dans le mur.
Comme le sculpteur sait parfaitement représenter une peau de serpent, s’il marque la différence, c’est volontaire!
On reconnaît la peau d'un personnage qui perdait son âme dévorée par son vice. Ici il perd son corps, dévoré par les vers!
Il est dans l’impossibilité de marcher vers le ciel! Il est condamné au shéol.
Il est mort spirituellement et retourne à la glaise. « Tu es glaise et retourneras à la glaise »

Ce personnage comme Adam et Ève n’a pas fait le bon choix. Il n’aura pas accès à la vie éternelle mais restera éternellement à la terre.
Le sculpteur montre qu’il a déjà revêtu lui aussi une peau similaire à celle des vermines.


Le voussure est en billettes dont je n’ai pas encore trouvé la signification.

À droite une paire de sirènes, c’est l’opposé du thème de la fenêtre précédente. C’est la promesse du paradis pour ceux qui auront effectué leur conversion.
La sirène symbolise la beauté spirituelle.
Elle maîtrise ses sens, ici sa chevelure spiralée.

Les cheveux sont le symbole de la volupté voire luxure.

Sa queue, symbole de ce qui est le plus profond dans l’âme est orientée vers le ciel.

 

Les chapiteaux ont bien parlé !

VERS L'ALBUM OUTREPASSÉ

AD 2023


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